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Acte poétique radical en Franche-Comté
27 octobre 2007

Le chemin de Jacques Mathiot, le résistant. Pierrefontaine à Damvant en Suisse.

Je veux être seul.
Sans public.
Sans Télé.
J’ai décidé de quitter la ferme Mathiot à Pierrefontaine les Blamont pendant la vingt cinquième heure.
C’est à dire à 3 H du matin.
L’idée est de rejoindre la commune de Damvant en Suisse et de traverser la ligne frontière sans que les gardes m’aperçoivent.
Ce chemin,  Jacques Mathiot l’a fait des dizaines de fois pendant la dernière guerre, il passait des aviateurs, des savants, toutes sortes de personnes en danger en France.  400 personnes, il a sauvé
C’est un acte symbolique.
Le théâtre c’est du symbole, et c’est de la résistance.
Je ne veux personne avec moi, car c’est une épreuve de solitude dont je rêve depuis longtemps.
Je vais faire comme  Jacques Mathiot, marcher sans lampe de poche, sans bruit.
3 H du mat.  je pars.
Je suis bien couvert.
J’en ai pour 3 H 30 si je ne me trompe pas.
Je connais la direction
Je suis bien couvert.
J’ai une gourde, deux bananes, Trois œufs durs, du pain, des allumettes. Le tout caché dans un sac à dos.
Je n’ai pas voulu prendre mon portable.
J’ai une gourde, deux bananes, Trois œufs durs, du pain, des allumettes. Le tout caché dans un sac à dos.
Je pense aux paroles de Jacques Mathiot

on faisait  ça la nuit, pas de chemin, pas de lampe, rien

à travers bois , cinq  kilomètres

quand on voyait les lumières de Damvant on y était ,

je m’en fous des bornes, moi

fallait les lumières, la France était dans le noir complet

Je n’ai pas le droit de prendre des chemins. C’est dur.
Je me prends les branches d’arbre dans la figure.
Chaque pas j’hésite.
J’avance tout droit.
Très lentement.
Trop de végétation.
Pas le moindre bruit. Pas d’étoiles, un noir à faire jaillir les vieilles peurs.
J’ai honte de moi même.

IMG_0841

Catastrophe, mon genou me fait mal, je le sens,
Je ne reviens pas en arrière, plutôt mourir
On ne voit rien. J’avance tout droit.

Je pense ce que c’est d’être poursuivi en danger de mort.
Faut que je parvienne à la combe Saumont, là il y a une grosse descente très dangereuse
Suivie d’une remontée où il faut s’agripper. Avec les mains

Je marche je veux sauver ma peau.
Pourquoi est ce du théâtre ?
Parce que je me regarde faire, c’est un jeu, une illusion
Je ne suis pas résistant,
Je ne risque rien
Mais peu à peu je sens mon corps, le noir oppresse, et pourtant l’œil s’habitue
Je trébuche, je crie Maman,
Je suis désorienté

J’entends un bruit, je me terre,
J’ai peur des gros sangliers, il y en a un qui a renversé une voiture il y a peu de temps sur la D 35
Non , c’est pas ça

Tout ce que je vis c’est pour pouvoir le raconter à quelqu’un.
Faire du théâtre sans public. Pourquoi ce désir ?

C’est fou et puis irruption impromptue
C’est quoi, c’est qui ?
Mallarmé  me visite:
RIEN

       De la mémorable crise
                   Ou se fût l’événement
                         N’aura eu lieu

                    Que le lieu

Excepté à l’altitude peut être


Aussi loin qu’un endroit

Là je touche le rivage de la vérité

J’ai soif, je dois approcher des bornes,

Je voudrais écrire ce que je sens,
Et cette femme qui est morte pendant qu’elle passait des allumettes à travers la frontière et qui a brûlé en essayant de se chauffer dans le froid.

Je crie au moins ,pour savoir si je suis seul dans la forêt.
J’ai envie de dormir, mais s’allonger ce serait la fin

L’heure doit être en train de changer.
je rêve d’être  dans une maison
Le froid devient plus piquant il doit faire 5°C, mais avec le vent…
Je pense à tous ces arbres qui ne bougent jamais, toute sa vie au même endroit, pas facile me dis-je.
Je fais ça pour la journée des arts de la rue.
  Notre journée, c’est assez pornographique, un artiste n’est pas là pour faire parler de lui, mais là il le faut.

Les feuilles mortes crissent, ça y est enfin je me repère.  C’est la borne la plus bizarre, la 454, maintenant place à l’acrobatie, la combe Saumont.  Sans lampe de poche ça va être difficile, je descends carrément sur le fessier, cent cinquante mètres avec de la pente, ensuite je remonte, et là je serai pratiquement sauvé. J’imagine le jacques Mathiot avec  Paul Langevin  sur le dos dans ce passage escarpé.
J’entame la descente vers Damvant
Je ne pense plus à rien .
Il est 6 H 30 du matin donc 5H 30
Je rentre chez moi à pied, j’habite à 2 Kms.  Je suis exténué, je compte mes pas pour m'occuper.
Je rêve de boire de manger, de prendre un bain, de mettre des pantoufles d’aller au coin du feu, de dire que j’allais le faire et de l’avoir fait et de l’écrire dans la foulée. Car l’art c’est la rémanence de la trace.
Demain matin j’irais chercher à pied ma voiture, car je pars au Maroc, vacances de la Toussaint.

acte poétique radical signé J.L.

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